Nana Ôsaki se trouvait dans un petit bar, dans une petite ville reculée. La "grande" ville la plus proche - à environ une heure de trajet de là - est Kobe, qui elle-même se situe à quelques kilomètres d'Osaka.
Elle était bien sûr méconaissable : de long cheveux clairs lui arrivant au dessous des épaules, une robe blanche, des gants de satin, sa bague de fiançailles, un châle couvrant ses épaules et cachant ainsi son tatouage, un look de diva et un nom d'emprunt qui n'était jamais le même. Ce soir, elle s'appellait Nuri Ondaku.
Elle se tenait debout sur scène, un air extrêmement placide et calme sur son visage, presque méprisant, je m'en foutiste. Elle regarda vivement l'assemblée de son oeil noir aux reflets de souffrances : il n'y avait quasiment que des vieux qui fumaient, buvaient ou des femmes qui se croyaient un peu trop bourgeoises. C'était un piètre publique comparé à celui que la grande Nana Ôsaki, la prêtresse, son altesse Nana avait put connaître auparavant. Et pourtant, elle préfèrait celui-ci, et de loin. Parce que ce petit publique, qu'il aime ou pas sa musique, la jugeait pour ce qu'elle était, tandis que la foule en délire ne la voyait que comme la femme de Ren Honjo et ne cherchait pas à comprendre le fond de ses textes. Seule une minorité le faisait mais c'était insuffisant. Choisir entre un succès de réputation ou pas de succès était une décision vite prise pour la jeune femme.
Alors depuis elle se déplaçait de bar en bar, chantant la plupart du temps des airs de variétés résonant de sa souffrance et de ses problèmes. Elle touchait l'argent que lui offraient les patrons de bar pour ses représentations et souvent quittait la ville pour une autre, changeant de nom.
Elle avait choisit de fuir et ne voulait pas qu'on la retrouve. Jeté le téléphone portable : maintenant elle utiliserait les cabines téléphoniques si elle en avait vraiment besoin. Abandonnée la chevelure noire et le look rock : une perruque longue et des vêtements simples étaient privilégiés. Finit la vie de rock star : maintenant, c'était la fuite. Elle gardait néanmoins quelque chose la rattachant à son ancienne vie : sa bague. Ren lui avait offert et Hachi avait la même. C'était donc un objet cher vu qu'il la racrochait aux deux personnes qu'elle aimait le plus.
Nana savait pertinement que certaines personnes lui en voulaient et elle ne les blamait pas. Elle même s'en voulait d'avoir été si lâche. Mais c'était la fuite pour la vie, pour capturer de l'air dans ses poumons. Elle suffoquait là-bas. En fait, le seul moyen de toujours respirer, c'était de chanter. Elle se rendait plus que jamais compte que la chanson était toujours présente, même dans cette nouvelle vie.
Chaque matin elle se levait et repensait à sa vie d'avant, lorsque tout était si simple à l'appartement 707 en compagnie de Hachi, ses retrouvailles avec Ren et son entente parfaite avec le groupe. Elle se rendait alors compte que Trapnest était un poison à sa vie : il lui avait volé Hachi et l'avait lancé sur la scène par le biais de Ren. Et pourtant elle sentait qu'elle était son propre poison. Si elle avait été plus forte elle aurait empêché Hachi de partir dans les bras de Takumi, elle aurait fais face à se tourbillon médiatique et elle aurait put être plus indépendante de Ren. Tout ça à cause de cette foutue indépendance qu'elle n'était plus capable d'entretenir. C'était un cercle vicieux, sans Ren et Hachi, elle était faible, et parce qu'elle était faible elle dépendait d'eux mais parce qu'elle dépend d'eux elle est encore plus faible...
Et ce soir, elle était là, sur scène sous les lumières faiblardes du petit bar. Elle chantait des airs tristes, affichant au travers de ses mots, les blessures de son coeur et les pleurs de son âme. Nana Ôsaki n'était plus.